Circuit de Modène, mardi 9 h. Inutile de repasser la deuxième avant de plonger dans le virage de la sortie des stands. Primo, les Sport Cup 2 R ne sont pas encore chauds, et deuzio, le couple débordant du V6 biturbo suffit largement à relancer sans devoir rajouter un coup d’éperon.
Malgré la température encore fraîche, le train avant a du grip et la GT2 Stradale se cale sur sa trajectoire au millimètre. Dès le premier virage, la différence avec la direction d’une Porsche 911 GT3 saute à la figure.
Celle de la Maserati est moins directe et moins consistante, sans être totalement muette en retours d’informations. Disons que sa lecture est moins transparente que sur une Lotus Exige ou une Ferrari Pista par exemple.
J’applique religieusement les conseils de l’ouvreur de piste, qui consistent à se déporter très tôt sur la droite pour préparer le gauche suivant, en prenant le soin de retarder le point de braquage au maximum.
Avant d’ouvrir la trajectoire en sortie, pour se relancer dans le premier bout droit. La Stradale réagit comme à un coup de fouet en faisant siffler ses turbos qui la projettent dans un droite où il faut garder du gaz, mais pas trop, pour éviter de voir le train arrière passer devant.
Le contact à la pédale de frein est assez déroutant. Disons, à l’ancienne. Avec la sensation d’un bref délai de réponse suivi d’une décélération spectaculaire, c’est‑à‑dire une amorce très (presque trop) progressive, puis un mordant extraordinaire et une décélération qui l’est tout autant. Question d’habitude.
L’essentiel est là, ça freine très fort. Notons que notre modèle d’essai dispose du freinage optionnel toujours en carbone mais dont le diamètre est majoré (398 mm à l’avant au lieu de 390 mm).
Je ne connais pas la personne qui a placé les repères de freinage sur le bord de la piste, mais quelque chose me dit qu’elle doit porter une ceinture et des bretelles. En parlant de maintien, les baquets à coque carbone optionnels vous calent les épaules de façon remarquable.
Dans le gauche suivant qui se resserre, la Stradale sous‑vire légèrement et demande encore un peu de patience pour que les Cup 2 R soient bien chauds. Ça se précise.
Après le bout droit, il ne faut pas hésiter à sacrifier la vitesse d’entrée dans le gauche suivant pour favoriser la sortie de la courbe d’après. La GT2 Stradale s’exécute au doigt et à l’œil, avant de monter en régime sans se faire prier.
Le 3 litres biturbo est efficace, il n’y a aucun doute. Pourtant, rien à voir avec la progressivité et l’allonge du V6 d’une Ferrari 296. Ni avec les ascensions de compte‑tours fulgurantes du flat 6 de la 992.2 GT3. Les 10 ch de plus par rapport à la MC20 initiale ne changent rien à son caractère d’origine.
Paroles, paroles
Le V6 Nettuno souffle, siffle, gronde et chantonne, mais ce n’est pas un ténor. Ni un adepte de la zone rouge, même s’il n’a rien contre le fait de l’atteindre. Malgré les trésors de technologie dont il bénéficie, comme la fameuse préchambre de combustion, ce n’est pas un moteur de course.
Pas au sens où on l’entend dans une Porsche GT3 ou une Ferrari. A vrai dire, il est presque moins communicatif que sur la MC20 Cielo dont l’absence de toit vous laisse davantage profiter des wastegates.
Notons que Maserati annonce être en mesure de proposer un échappement en titane, non pas en option mais en accessoire et en fin d’année, tout en précisant qu’il ne sera pas homologué pour la route. Et probablement pas sur certains circuits non plus, d’ailleurs.
A défaut d’être infinie et envoûtante sur le plan sonore, la poussée de la Stradale reste néanmoins très convaincante. La boîte 8 à double embrayage, quant à elle, donne plus d’à-coups que sur la version d’origine.
Les ingénieurs assument ce nouveau réglage du mode Corsa, qu’ils considèrent comme un parti pris pour accentuer l’émotion de conduite. Chacun son truc, mais personnellement, je dois vous avouer que je n’ai pas besoin de recevoir une calotte sur le haut du crâne pour valider le fait d’avoir des sensations. Passons.
En comparaison, la transmission d’une 992.2 GT3 en donne beaucoup plus, sans en faire des tonnes, et celle de la 296 GTB parvient à séquencer les passages de rapports et à hérisser les poils de vos bras sans faire autant d’esbroufe.
Sur le plan mécanique, le caractère de la GT2 Stradale est donc très sympa, même si la poussée n’est pas aussi marquante que son look le laisse supposer. Et pas autant que celle de la concurrence directe, par exemple.
Il n’y a pas de déluge de puissance comme dans une McLaren ni de vibrato à vous relever la nuit comme dans une Lamborghini.
Epoque épique
Pour prolonger les parallèles, le V6 de Ferrari est plus envoûtant et le flat 6 d’une 911 Turbo, plus impressionnant. Ce qui n’empêche pas le 3 litres de Maserati d’être pétri de qualités.
A commencer par des relents de suralimentation un peu old school qui vous prennent aux tripes et des mises en vitesse éclair. Avec une telle capacité de relance, la Stradale ne fait qu’une bouchée des lignes droites.
A titre d’information, le 0 à 100 km/h est annoncé en 2’’8 au lieu de 2’’88 sur le modèle d’origine. Mais au-delà des centièmes qui ne veulent pas dire grand-chose, c’est surtout le tempérament qui prime.
Celui de la MC20 Stradale est en acier trempé et son côté brut de décoffrage est conforme aux remontées d’informations que distillent son châssis carbone et son moteur boulonné à la caisse. On s’en rend compte en rasant les vibreurs, dont les tremblements occasionnés ne laissent pas planer de doute quant à la rigidité en béton armé.
Avec les Cup 2 R désormais à température, l’adhérence grimpe à un niveau véritablement exceptionnel. Tout en gardant une pointe de sous-virage, pour conserver une bonne accessibilité de conduite.
La GT2 Stradale est un poisson dans l’eau dans les enchaînements de courbes, et sa capacité à s’y jeter est invraisemblable. Au point de vouloir en explorer les limites en jouant avec les quatre positions du mode Corsa.
Ce curseur supplémentaire, inclus dans le pack Performance en option, permet de supprimer graduellement la gamme d’aides électroniques déjà axées sur les performances. Vous me direz que c’est le cas sur beaucoup de voitures, avec les modes Normal, Sport et Piste.
C’est vrai, mais là, c’est mieux ciblé et plus pointu. Pour simplifier, les modes Corsa 4, 3, 2 ou 1 se traduisent par Corsa, Ultra‑Corsa, Giga‑Corsa et Méga‑Corsa. Du plus assisté au plus permissif, en jouant notamment sur les lois de l’ESP, de l’antipatinage, de l’ABS et du différentiel électronique LSD.
En clair, le mode Corsa 1 signifie qu’il ne reste plus grand‑chose d’électronique, ABS compris puisque son action est diminuée de 50 % et que le contrôle de motricité est aux abonnés absents. Evidemment que j’ai essayé.
Ce que ça provoque ? De longues traînées noires dans les courbes, sortes de bananes trop mûres saupoudrées de boulettes de gomme. Au point de se demander ce qu’ils ont mis dans les pneus de notre voiture d’essai.
Pour redevenir sérieux, on observe que les réactions de la GT2 sont accessibles et facilement contrôlables, contrairement à ce que son look de bête échappée d’un circuit laisse penser.
En matière de suspensions, la différence avec les réglages de la MC20 d’origine est sensible. Avec des ressorts rigidifiés de 6 % à l’avant et 10 % à l’arrière, la Stradale donne l’impression d’avoir un maintien supérieur.
L’aérodynamique optimisée procure également une meilleure sensation de stabilité à haute vitesse. Même si nous attendrons un essai plus détaillé pour pouvoir valider ces impressions.
Pour le moment, on note l’agilité du train arrière, en retrait par rapport à celui de la dernière 911 GT3 ou d’une Ferrari SF90 dont le système de roues arrière directrices aide à pivoter.
Mais on ne peut pas dire que la GT2 Stradale ait de véritables lacunes sur circuit. Elle a son propre caractère, qui se distingue de celui de ses adversaires. Et pour répondre à la question du Top 3 des bêtes de circuit… elle n’en chamboule pas l’ordre, c’est évident.
Mais elle a le mérite d’apporter quelque chose de singulier et pimenté. Bref, de casser les codes, en s’affranchissant de la quête absolue de l’excellence pour mieux renforcer son caractère et offrir quelque chose de différent. Ça se défend.
L’avis de Laurent Chevalier : 5/5
La note maximale provisoire, pour la démarche, en attendant un essai plus complet. Ce qui ne veut pas dire que la MC20 GT2 Stradale est aussi parfaite qu’une 911 GT3. Loin de là. Mais ce n’est pas parce que Porsche délivre une copie parachevée que le reste n’a plus le droit de cité.
Maserati entretient sa vision de l’exception, avec des partis pris qui ont le mérite de sortir des sentiers battus. Et le simple fait de poursuivre sa propre quête de la performance la rend digne d’intérêt.
Maserati MC20 GT2 Stradale : fiche technique
- Moteur : V6, biturbo, 24 S
- Cylindrée : 3 000 cm3
- Puissance maxi : 640 ch à 7 500 tr/mn
- Couple maxi : 74,4 mkg à 3 000 tr/mn
- Transmission : roues AR, 8 rapports à double embrayage
- Antipatinage/autobloquant : de série, électronique piloté
- Poids annoncé : 1 435 kg
- Rapport poids/puissance : 2,2 kg/ch
- Réservoir : 60 l L – l – h : 4 669 – 1 965 – 1 221 mm
- Empattement : 2 700 mm
- Prix de base : 307 350 € (production limitée à 914 exemplaires)
- Prix des options/malus : 125 700/70 000 €P
- rix du modèle essayé : 503 050 € (malus compris)
- V. max. : 324 km/h
- 0 à 100 km/h : 2’’8
Retrouvez notre essai de la Maserati MC20 GT2 Stradale dans le Sport Auto n°760 du 25/04/2025.