Il y a quelque chose de très actuel quand on la regarde, de presque moderne. Du haut de ses 20 ans, la F430 conserve une fraîche allure. Elle fait partie de celles qui vieillissent avec grâce, de celles qui n’en faisaient pas trop du temps de leur fringante jeunesse, et qui continuent de charmer des années après.
Proportions compactes et équilibrées, pureté des lignes, détails intégrés avec soin… Le studio Pininfarina et la tête du design Ferrari de l’époque ont fait les choses bien. Ils ont tout de même pris le temps d’y incorporer des évocations.
Comme les entrées d’air à l’avant, généreuses mais dociles, qui sont un hommage à la 156 de Phil Hill, champion du monde de Formule 1 en 1961. Idem pour les discrètes ouvertures situées sur les ailes arrière, chapardées à la 250 LM des années 60.
Ou encore la poupe, râblée et gaillarde, qui rappelle tout de suite le lien de parenté avec la fantastique Enzo, née deux ans plus tôt. Difficile de la qualifier de gravure de mode – l’histoire de Ferrari en est jonchée –, mais la F430 conserve ce charisme singulier.
Sa sportivité sans réel compromis n’a jamais empêché la F430 d’être une charmante compagne de route. On est assis très bas, sans surprise, mais avec un certain niveau de confort. L’architecture à moteur central arrière n’oblige pas les grands gabarits à conduire les genoux dans le menton et le degré de filtration est étonnant.
La présentation est en revanche basique, et si la mauvaise réputation de Ferrari en matière de finition n’est pas toujours justifiée, c’est ici le cas… Qu’importe. Après deux décennies, ce n’est plus ce que l’on regarde, encore moins sur un engin frappé du cheval cabré.
Il suffit de se glisser dedans, d’apprécier le charme un poil désuet de l’ambiance à bord, et d’enclencher la mise à feu du V8. Les frissons ! Ça vocifère fort à l’allumage, ça grogne méchamment avant de doucement retomber sur un ronron chaud et presque réconfortant.
Ce bloc ne reprend rien à celui du prédécesseur 360 Modena. En partant d’une feuille blanche, les ingénieurs de Maranello n’avaient qu’une seule obsession : donner un coup de fouet aux performances tout en limitant la crise de croissance.
Mission réussie, car même s’il passe de 3.5 à 4.3, le moteur de la nouvelle berlinette ne pèse que 4 kg de plus. Et il s’offre tout l’attirail devenu cher à Ferrari : vilebrequin plat, double arbre à cames en tête, distribution variable à l’admission et à l’échappement… La Gestione Sportiva, la division sportive de la marque, a dicté ses lois. Et que c’est bon !

Inspirée par la F1

La mélodie vous accompagne au quotidien. Si on reste dans les registres graves dans le flot de la circulation, la complexité de la partition est déjà un bonheur pour les oreilles. Et puis la voie se libère, sur une ligne droite qui incite à tirer la palette de gauche tout en faisant pression sur la pédale de droite…
La superbe symphonie se mue en un déchaînement philharmonique dantesque. L’ascension du compte‑tours est un programme à elle toute seule. Le grondement rocailleux laisse place à un rugissement effrayant avant de finir par une note presque stridente dont les divas italiennes ont le secret.
C’est beau, c’est puissant, ça vous prend aux tripes et ça vous fait regretter une période où le talent de chanteuses des sportives ne tombait pas sous le joug des régulations.
Côté performances, malgré un très joli 4’’0 pour atteindre les 100 km/h, elles n’ont jeté aucun pavé dans la mare à l’époque, et sont actuellement à la portée d’une bonne petite sportive.
La F430 ne s’est jamais vantée d’être un dragster et trouve ses arguments ailleurs. Elle a notamment été celle qui a réconcilié les réfractaires de la boîte automatique avec une première innovation, la boîte F1.
En réalité, les F355 et 360 Modena prônaient déjà cette bascule vers une transmission automatique, mais sans jamais convaincre par leur agrément. Ici, les ingénieurs ont sérieusement revu le produit. Pas encore de double embrayage, mais les rapports sont enfin passés avec douceur et la fiabilité y aurait gagné.
Faut-il aujourd’hui donner son avis sur cette fameuse transmission F1 ? Evidemment ! Les ruptures sont marquées même en conduite souple, et l’inertie est sensible. Nous dirons donc que c’était une belle innovation pour l’époque et que le chemin parcouru depuis impressionne.

Sensations oubliées

Les innovations ont été nombreuses sur la F430. A commencer par le fameux Manettino. Un petit bouton à bascule qui introduit une nouvelle manière d’exploiter sa monture. Tout y est, et là aussi la F1 est à l’œuvre derrière.
Certains lui préfèrent un simple bouton, mais ce petit bout de métal anodisé a quelque chose de spécial au toucher, et renvoie à ce qui se fait de mieux en compétition.
Le principe s’est depuis très largement démocratisé, mais la F430 fut la première Ferrari à proposer des configurations différentes pour les divers organes, de la transmission au différentiel en passant par le son de l’échappement ou le contrôle de motricité, par le biais de cette simple molette.
Du mode Wet, pour calmer la cavalerie, au mode « complètement off », la belle gagne en agressivité et se montre de plus en plus communicative. Les performances ne dévissent pas les cervicales, mais la F430 récompense différemment celui qui en manie le volant.
Outre le son démoniaque de son V8, sa conduite rappelle les meilleures productions de l’époque. Les commandes sont à portée de main, et le sentiment de faire corps avec la voiture est saisissant. Encore plus que sur de nombreux modèles actuels gavés de puces électroniques et de boost survolté.
Vibrante, vivante et enjouée, la F430 a cette manière instinctive de vous susurrer des mots doux à l’oreille. Reprendre aujourd’hui le volant d’un modèle aussi bien né nous remémore des sensations oubliées.
La direction n’est pas aussi tranchante que les sportives contemporaines, mais sa précision et surtout le niveau d’information qu’elle recèle sont fantastiques. Et la rigueur du train avant met en confiance.
Le rythme augmente, le Manettino bascule sur le mode Race, et cette transmission que l’on trouvait un poil faiblarde au quotidien retrouve de sa superbe. Il faut bien évidemment la replacer dans le contexte de l’époque, mais la cadence qu’elle impose permet d’exploiter pleinement les capacités du V8.
La prudence reste de mise avec cet exemplaire magnifique, maintenu dans un état collection par son propriétaire Jean-Louis. Mais quel pied ! Facile à prendre en main, dotée d’une motricité efficace (elle fut la première à embarquer un différentiel à glissement limité électronique), agile et communicative, la F430 a décidément tout du bon vin.
Cette rubrique porte vraiment bien son nom. Après une balade au volant d’une F430, on en vient à se demander : mais comment en est-on arrivé là ?
Alors oui, sa lointaine descendante (296 GTB) est devenue un véritable missile sol-sol et serait presque capable de piloter à la place de son conducteur. Mais les performances d’un autre monde empêchent une exploitation réelle du potentiel en dehors des circuits.
Et encore, pas n’importe lequel. Malgré l’excellente exécution de cette dernière, difficile de ne pas tomber sous le charme de ce que le Cavallino rampante savait déjà nous procurer à l’époque.
Une vision plus simple de la voiture plaisir, perfusée au savoir-faire en compétition de la marque, et qui garde, vingt ans plus tard, un petit truc en plus.

Ce qu’en disait Laurent Chevalier en 2004

La F430 survole littéralement la concurrence en matière de cordes vocales. Elle vous enivre, vous remue les tripes et vous soulève le cœur en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire.
Et il suffit d’un coup de palette de boîte F1 pour enclencher la fonction Replay. Sans compter que la F430 élargit les domaines de compétence de la 360 Modena en se montrant plus accessible en conduite quotidienne et plus radicale en conduite extrême.
Enfin et surtout, l’intervention de l’électronique n’est pas envahissante, loin de là. Tout semble fonctionner dans la plus grande progressivité et la plus grande discrétion. C’est ici que réside, à notre sens, l’un de ses véritables tours de force.

Ce qu’en dit Sport Auto en 2025

Si elle reprend une recette semblable à celle de la 360 Modena, la F430 s’est autorisé quelques libertés sur les ingrédients. Et le tout a quand même une sacrée saveur !
Passons sur la boîte robotisée F1, efficace pour l’époque mais pas révolutionnaire pour autant. En revanche, tout le reste mérite d’être délicieusement savouré. C’est fort en caractère mais pas caractériel, rigoureux sans jamais tomber dans l’autoritarisme.
Efficace à mener, très communicative, agile sans surprendre, l’italienne saurait aussi donner des leçons aujourd’hui sur certains points. Et ce V8 a encore de quoi hanter vos nuits.

Ferrari F430 (2004) : fiche technique

  • Années de production : 2004-2010
  • Exemplaires produits : non communiqué
  • Moteur : V8 à 90°, 32 S Cylindrée : 4 308 cm3
  • Puissance maxi : 490 ch à 8 500 tr/mn
  • Couple maxi : 47,4 mkg à 5 250 tr/mn
  • Transmission : roues AR, 6 rapports robotisés (boîte F1)
  • Suspension AV/AR : triangles superposés, amortissement piloté, barre stabilisatrice
  • Freins AV & AR : disques ventilés percés (360/350 mm) (disques carbone-céramique en option)
  • Poids annoncé : 1 450 kg
  • Rapport poids/puissance : 3 kg/ch
  • L – l – h : 4 512 – 1 923 – 1 214 mm
  • Empattement : 2 600 mm
  • Pneus AV & AR : 225/35 & 285/35 ZR 19
  • Réservoir : 95 l
  • Prix à l’époque : 152 000 €
  • Cote actuelle : environ 120 000 €
  • V. max. : 315 km/h
  • 0 à 100 km/h : 4”0
  • 1 000 m D.A. : 21”6

Retrouvez notre reportage “Retour aux sources” dans le Sport Auto n°758 du 28/02/2025.