Peu de SUV ou de crossovers ont eu la chance d’intégrer notre Supertest. Idem pour les véhicules électriques d’ailleurs. Que dire alors de cette coréenne qui réunit tout ce qui lui interdirait, de facto, l’accès à notre test ultime ?
Et pourtant la voilà, prête à en découdre face aux mesures. Il faut avouer que malgré sa propulsion zéro émission, la Hyundai Ioniq 5 N a fait grand bruit. Et on ne parle pas uniquement du générateur de son artificiel façon 4 cylindres turbo.
Cette voiture est devenue un sujet de conversation, précisément parce qu’elle serait, sur le papier, en mesure de nous réconcilier avec les énormes engins gavés aux électrodes. N Torque Distribution, N Drift Optimizer, N Pedal, N e-Shift, N Grin Boost, N Active Sound+…
C’est pompeux, mais derrière ces appellations un peu barbares se cache une ribambelle de systèmes capables de transfigurer le comportement et la personnalité de ce crossover pas comme les autres. Certains sont assez anecdotiques, d’autres métamorphosent réellement la bête.
Avant de revenir sur tout ce qui fait le sel de l’Ioniq 5 N, rapide introduction des forces en présence. L’imposant crossover s’offre les services de deux moteurs synchrones à aimants permanents : 226 ch à l’avant, 383 ch à l’arrière. La puissance cumulée est de 609 ch, et même de 650 ch lorsque le boost s’en mêle, pendant 10”.
A l’arrière, un différentiel piloté électroniquement est à l’œuvre. De quoi éviter la lourde configuration à deux moteurs arrière comme certaines électriques. Le tout est alimenté par une batterie de 84 kWh pour une autonomie promise de 448 km.

Un vrai comportement

Au Vigeant, la Hyundai Ioniq 5 N n’a pas eu le moindre mal à nous impressionner par ses performances. Les 78,5 mkg envoyés aux 4 roues catapultent l’auto de manière très autoritaire. La puissance phénoménale assure des accélérations très sérieuses au chrono. Mais l’Ioniq 5 N n’est pas qu’un dragster.
Tout a été revu pour garantir un comportement dynamique, des trains roulants optimisés à la suspension raffermie en passant par la direction recalibrée. De quoi radicaliser d’office son comportement ? Pas tout à fait.
L’Ioniq 5 N est étonnamment confortable sur la route, et la douceur reste de mise. C’est louable au quotidien mais laisse paraître une certaine paresse sur la piste. Qu’il s’agisse du train avant, seul essieu directeur sur cette imposante machine de 4,72 m, un poil fainéant à l’attaque, de la direction, avare en sensations, ou de l’amortissement, un brin lâche pour aplanir l’assiette de ce véhicule de plus de 2,2 t. Voilà pour les petites déceptions. Place maintenant à la fête.

Double embrayage, es-tu là ?

En activant le N e-Shift et le N Active Sound+, nous voilà désormais au volant d’une voiture en mesure de ronronner comme une petite GTi, qui plus est dotée d’une transmission automatique à double embrayage et 7 rapports plutôt efficace. Et c’est vraiment bluffant ! Passons sur la fausse sonorité, habilement générée au demeurant.
La pièce de résistance reste cet e-Shift qui reproduit à merveille les passages de rapport par des à-coups sidérants de réalisme. Il est même possible de percuter le rupteur imaginé à presque 8 000 tr/mn, les brutales coupures de charge en plus. Sur piste, la sensation est dantesque, et tout y est.
Les ingénieurs ont mis en place un algorithme hautement sophistiqué capable de répliquer l’inertie d’un bloc thermique, avec une arrivée progressive du couple à l’ascension de ce compte-tours fictif, un léger creux au bas de celui-ci et une certaine précaution lors de rétrogradages qui enverraient l’aiguille beaucoup trop haut… Tout y est, on vous dit !
Alors forcément, les ressentis prennent le pas sur l’efficacité pure, gaspillant quelques dixièmes à chaque passage. Pour établir son chrono, notre ami Christophe s’est contenté du mode N Track, favorisant l’explosivité et les performances. Ce qu’il réussit à faire avec panache.
Avec un tour bouclé en 1’49”81, l’Ioniq 5 N renifle les tuyères d’une Mercedes-AMG C 63 S E Performance et échappe aux grognements d’une Audi R8 Performance RWD. Remarquable. Cette lourde familiale est supersonique en ligne droite mais sait tenir la comparaison sur le tracé exigeant en rythme du Vigeant.
Les limites seront avant tout imposées par les freins, qui pourront résister à une journée de roulage, à condition toutefois d’exploiter leur potentiel à 70 % environ. Pour la mesure, en revanche, ce seront deux tours maxi avant un retour au stand obligatoire.
Mais les ingénieurs coréens ont su « dealer » avec les lois non négociables de la physique. Et si implémenter moult puces électroniques et un système hautement élaboré a fait partie du cahier des charges, la mise au point s’avère par ailleurs plutôt réussie.

Grisant !

Franche à l’attaque sans se jeter à la corde, l’Ioniq 5 N profite surtout d’un train arrière très mobile. La poupe est même étonnamment joviale par les temps qui courent, a fortiori pour ce type de véhicule. Avec son roulis marqué, la coréenne charge l’avant au freinage et opère à l’inverse pour son popotin, qui amorce un mouvement de pivot dès que la direction le lui ordonne. Grisant.
Conserver la trajectoire en milieu de virage peut devenir délicat en cas d’excès d’optimisme (2 247 kg contrôlés, et plus de 2,3 t avec votre serviteur à bord, pour rappel…), et la remise des watts anticipée, avec un couple qui déboule en force, a tendance à mener l’engin loin vers l’extérieur. Mais pas de panique !
Là aussi, la solution existe : N Torque Distribution. Avec ce système, il est possible de choisir la répartition du couple, au pourcentage près. Avec un curseur placé à 80 % sur l’arrière‑train, le comportement sous‑vireur à l’accélération n’est plus qu’un lointain souvenir, et l’Ioniq 5 N sait vous gratifier de belles virgules en sortie de virage.
On perd forcément quelques kilowatts du moteur avant, mais le sourire s’élargit sur notre visage. Avec une telle configuration, la coréenne est tout aussi grisante à conduire qu’efficace face au chrono. Deux bémols tout de même : certains des innombrables systèmes sont incompatibles entre eux.
Ainsi, en utilisant le N Grin Boost (qui augmente la puissance à 650 ch), la fausse boîte de vitesses disparaît. Cette dernière est également inopérante lorsque nous paramétrons la répartition du couple. Le second, c’est la complexité du système avec les subtilités qu’il convient de maîtriser pour le mettre en action.
Il nous a fallu chaque fois nous y reprendre, notice entre les mains, pour obtenir la configuration choisie. Le prix à payer pour une telle dose de fun ? Probablement. Mais plus que l’étonnant jouet qu’est cet Ioniq 5 N, il est important pour l’évolution de la voiture électrique.
Si les réticents aux ions, pourfendeurs du plaisir automobile, ne sont qu’une niche, ils existent tout de même et incarnent le salut de sportives de toutes catégories. Et cet Ioniq 5 N amorce peut‑être un processus de paix entre ces esthètes et tout un pan de l’industrie automobile qui subit cette transition à marche forcée.
Finalement, la seule chose que l’on peut regretter, c’est que ce système et cette mise au point ne soient pas intégrés sur un modèle plus compact ni plus léger. On approcherait alors de la perfection pour une voiture toujours polyvalente mais réellement sportive et 100 % électrique… Hyundai, si vous nous entendez…

L’avis de notre essayeur Walid Bouarab

Oui, la note maximale pour un gros crossover électrique ! C’est vous dire l’importance du modèle… La Hyundai Ioniq 5 N nous a réellement bluffés, autant par les gimmicks de petite sportive qu’elle est capable de feinter que par sa mise au point. La partie « hardware » est tout aussi fun que les logiciels qui y cohabitent.
Le quotient émotionnel n’a pas été oublié par la marque coréenne, bien au contraire. Pas plus que l’efficacité pure, avec un chrono plus qu’honorable pour ce type de véhicule. On en redemande !

Hyundai Ioniq 5 N : fiche technique

  • Moteurs : 2 électriques synchrones à aimants permanents
  • Position : 1 moteur par essieu
  • Batterie : 84 kWh (capacité nette)
  • Puissance maxi : 650 ch (avec N Grin Boost)
  • Couple maxi : 78,5 mkg (avec N Grin Boost)
  • Transmission : intégrale, réducteur 1 rapport
  • Autobloquant : non
  • Antipatinage : de série + différentiel AR piloté
  • Suspension AV/AR : MacPherson, amortisseurs pilotés, barre antiroulis/ suspension multibras, amortisseurs pilotés, barre antiroulis
  • Direction : crémaillère, assistance électrique
  • Freins AV/AR : disques ventilés (étriers 4 pistons/monopiston)
  • Poids annoncé/contrôlé : 2 230/2 247 kg
  • Répartition AV/AR : 49,6/50,4 %
  • Rapport poids/puissance : 3,5 kg/ch
  • L – l – h : 4 715 – 1 940 – 1 585 mm
  • Empattement : 3 000 mm
  • Voies AV/AR : 1 667/1 672 mm
  • Pneumatiques : 275/35 ZR 21 (Pirelli PZero)
  • Prix de base : 78 000 €
  • Prix des options/bonus : 900/0 €
  • Prix du modèle essayé : 78 900 €

Hyundai Ioniq 5 N : en chiffres sur circuit

Retrouvez notre Supertest de la Hyundai Ioniq 5 N dans le Sport Auto n°752 du 30/08/2024.